mercredi 1 avril 2015

De la littérature jeunesse, des chevaux et de l'égalité des sexes ....


L'esprit est décidément bien étrange .... Quand il faudrait fuir à toutes jambes tout ce qui peut rappeler des mauvais souvenirs, on se jette quelquefois justement dans tout ce qui peut entretenir la déception et la tristesse ... mais peut-être une certaine façon de faire le deuil ?

Au lieu de continuer à vider ma pàl en prévision de la remplir aux Imaginales, mais parce que je suis juste incapable de lire de la SFFF en ce moment (sauf le nouveau cycle de Robin Hobb qui vaudra un billet parce que c'est Fitz !!!!!), je me jette à corps perdu dans tout ce qui peut me tomber sous la main en terme d'histoires de chevaux, d'amitiés de chevaux et d'humains .... et notamment en littérature jeunesse dont le sujet couve un sacré paquet de bouquin !!

Ainsi me suis-je enfilé tous les livres parlant du sujet de ma bibliothèque avant de faire la chasse à tout ce qui existe en littérature jeunesse dernièrement sorti ....
D'où un certain constat (qui a valu ce drôle de titre).

 Presque tous les livres écrits entre 1941 et 1987 mettent en scène des personnages principaux garçons alors qu'à partir des années 1990 cette tendance s'inverse à un point juste incroyable.
La collection Passion Cheval en forme le parfait exemple avec pour 7 romans, 2 seulement parlant de garçons, les 5 autres de filles.

Un petit tour d'horizon
- 1941 : La série des Etalon noir de Walter FARLEY : Alec Ramsay.
- 1946 : Le poney rouge de John STEINBERG : Jody
- 1947 : Mon amie Flicka de Mary O'HARA (qui reste après mes nombreuses lectures le meilleur roman traitant de l'amitié entre un enfant et son cheval parce qu'il met aussi en scène beaucoup plus que cela) : Ken
- 1947 : Misty le poney de l'île sauvage de Marguerite HENRY : Jane et Paul
- 1951 : Au galop cow-boy (et ses suites, et son précédent) de Henry LAROM : Andy Marvin
- 1955 :Fred et Sunny de Priscilla WILLIS : Fred
- 1955 : Le cheval fantôme de Christine PULLEIN-THOMPSON : Jane
- 1961 : Deux garçons pour un cheval de René GUILLOT : Jean Louis et Bertrand.
- 1977 : Poly en Espagne de Cécile AUBRY (entre autres car elle en a écrit une paire) : Juanito et Pedro (il est fait référence aussi à Pascal le véritable propriétaire du poney)
- 1982 : Charlie l'impossible de Barbara MORGENROTH : Jackie
- 1987 : Un amour de cheval de Nancy SPRINGER : Erin

Soit 10 garçons pour 4 filles. Et encore dans Misty le poney de l'île sauvage, c'est Paul qui est considéré comme le meilleur cavalier des deux.

- 1998 : Ebène fils de l'Etalon noir (et ses deux suites) de Steven FARLEY : Dina (et en fond Alec Ramsay mais il ne compte pas vraiment)
- 2001 : Mon cheval ma liberté de METANTROPO : Amidou (c'est un roman historique se passant au temps de l'esclavage en 1861)
- 2001 : L'Etalon des mers de Alain SURGET : Leif (un autre roman historique du temps des Vikings)
- 2002 : Mon cheval, mon destin de Pierre BOTTERO (ouiiiiii il a écrit deux romans sur les chevaux ! ) : Tsina
- 2003 : Un cheval en Irlande de Pierre BOTTERO (la suite du précédent)
- 2005 : Le cheval venu de la mer de  Victoria HOLMEN : Nora (roman historique)
- 2007 : Le cheval de Margot de Florence REYNAUD : Margot (roman historique de la seconde guerre mondiale)
- 2009 : Mon cheval pour passeport de Patricia REILLY GIFF : Lidie
- 2009 : Les chevaux n'ont pas d'ombre de Hélène MONTARDRE (un très très bon roman) : Léa
- 2014 : A l'oreille d'Atlas de Charlotte BOUSQUET : Pénélope

Soit 7 filles pour 2 garçons.


Plusieurs réflexions me sont venues évidement suite à ce constat :

- Auparavant en littérature jeunesse on avait tendance à cibler "livres pour garçons" et "livres pour filles", d'ailleurs l'extrait de la quatrième de couverture de Mon amie Flicka, rédigée par André Maurois en témoigne : "Une lecture saine pour des garçons jeunes". Et il était relativement courant alors de mettre les personnages en rapport avec le public destiné. (Heureusement comme beaucoup d'enfants nés plus tard, moi je n'étais pas encline à suivre ce genre de tendance : je préférais Oliver Twist et Croc-Blanc aux Comtesse de Ségur ou Martine ; bon la comparaison n'est pas très pertinente j'avoue.)

- D'autre part il est prouvé aussi que l'équitation actuelle compte beaucoup plus de licenciées filles que garçons, pas étonnant donc que les romans les plus récents mettent en scène des filles. Il existe cela dit encore beaucoup trop de séries aujourd'hui qui sont un peu trop ciblées "filles" "garçons", mais encore une fois les enfants (je pense à mes élèves) n'en tiennent pas tant compte que cela.

- Les garçons mis en exergue dans les romans les plus anciens étaient toujours des sortes d'aventuriers merveilleux cavaliers, je pense notamment à Alec Ramsay qui au terme de quelques mois d'équitation parvient à monter un étalon sauvage ou à Ken, presque né sur un cheval. Alors que Jane dans Le cheval fantôme était une cavalière moyenne, ainsi que Jackie dans Charlie l'impossible.
Alors alors ..... Je pense à Jules Verne et à son deux ans de vacances : les garçons intelligents et débrouillards et l'unique femme destinée à la cuisine ou à la série des Six Compagnons : Mady la seule fille de la bande est considérée comme la plus intuitive et la plus fine (mais c'est une fille comme il est spécifié dans chaque livre, une fille sans chichi et sans manières comme il est précisé à la suite) mais elle doit toujours rester dans l'ombre de ses camarades car c'est dangereux pour elle de s'exposer au danger.
Ces livres antérieurs aux années 80 confirme vraiment cette tendance : aux garçons l'aventure et aux filles l'attitude plus mesurée et moins casse-cou.
Comme quoi les clichés ont la vie dure.

- La plupart des romans actuels notamment de la collection Cheval Passion parle certes de filles mais dans un contexte tout ce qu'il y a de classique, des jeunes filles vivant avec leurs parents et rencontrant leurs chevaux en Club équestre ou à domicile. Des contextes à mille lieux des romans de Walter Farley (mais il traitait tout de même du monde des courses qui était à l'époque exclusivement masculin) ou de Mary O'Hara ou Henry Larom (mais ce sont des mondes de cow boy, profession exclusivement masculine). Ce n'est pas pour autant que les filles sont considérées comme la Mady des Six Compagnons, bonne évolution des moeurs !

En conclusion tout ceci montre à quel point l'évolution de la littérature jeunesse (et c'est extrapolable à la littérature en général) aura suivi l'évolution sociétale de nos pays industrialisés sur la place des lectrices et aussi des héroïnes de romans. Et c'est plutôt encourageant.

Quant à moi j'avoue quand même avoir beaucoup plus d'affinités et de passion pour les plus anciens de ces romans ..... sauf les très qualiteux Les chevaux n'ont pas d'ombre et les deux romans de Pierre Bottero qui sortent du lot. 

Mais est-ce du au fait qu'ils étaient réellement de meilleur qualité (peut-être aime-je aussi plus des textes qui se rapprochent de la façon dont j'ai appris à lire) ou que c'est parce qu'ils font partie de mes lectures d'enfance qu'ils ont plus de valeur et me paraissent plus passionnants ?

5 commentaires:

  1. Courage ♥
    Il y a un sérieux basculement du sexe des héros, mais je trouve que ça s'est plus féminisé que ce n'était masculinisé avant les années 90. Je trouve ça inquiétant dans un sens car cela montre un clivage entre activités pour les filles et activités pour les garçons (ça me fait un peu penser à lego et sa collec de lego pour filles et sa collec de lego pour garçons, alors qu'avant ils vendaient les mêmes aux deux sexes et les pub étaient mixtes).
    Je suis très étonnée d'apprendre que Bottero avait écrit des romans de chevaux.
    Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de la nostalgie :)

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  2. Merci en tout cas pour cet article, ça me rappelle de bons souvenirs de lecture quand j'étais enfant ! Dans les plus anciens on a aussi Black Beauty de Sewell même si le perso principal est en fait le cheval :) Et aussi Cheval de guerre de Morpurgo !

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  3. Si tu continues tu vas pouvoir écrire toute une théorie sur le sujet. Moi j'ai grandi avec le Club des 5 et Fantomette, quand je repense à Claude et à Françoise, je me dis que pour le coup elles étaient pas trop stéréotypées (Annie et les copines de Fantomette, c'est un autre problème !).

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  4. Oh dis donc, je n'aurais pas cru que l'inversion garçon/fille ait eu lieu dans les 1990 (plutôt avant). J'ai lu Mon amie Flicka, tiens :) (bon je suis loin de tes lectures (et j'ai dans ma PAL, en lecture-non-jeunesse-mais-sur-les-chevaux-et-relations-sociales L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux de Nicholas Evans).
    Voilà un bien beau compte rendu en tout cas :)

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  5. Très vrai, très vrai.
    Je ne sais pas trop quoi en penser car j'ai l'impression qu'on prend ces petites filles un peu pour des idiotes et des vaches à lait. (Mais peut-être que je suis juste devenue une vieille grincheuse et que si j'avais lu Grand galop à dix ans j'aurais autant aimé que L'étalon noir et que c'est juste de loin que ça a l'air culcul – genre parce qu'il y a du rose partout... D'ailleurs les livres dont tu parles n'ont pas l'air culcul du tout et il n'y a pas Grand galop dedans, lol.)
    Bon sinon tu as l'air de faire partie des gens qui ne contrôlent pas trop le couteau et son comportement vis-à-vis de la plaie, mais bon je suppose qu'à un certain niveau inconscient ça a un sens de mettre le nez dans ce qui nous manque... Quand j'ai abandonné l'équitation en 2009 je passais tout mon temps libre sur des blogs de cavaliers à déprimer parce que je ne monterai(s) plus jamais. C'était "plus fort que moi"...

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