dimanche 9 décembre 2012

Neverwhere de Neil Gaiman

"Cher journal, commença-t-il. Vendredi, j'avais un emploi, une fiancée, un domicile et une existence sensée. (Enfin dans la mesure où une vie peut avoir un sens.) Et puis, j'ai rencontré une jeune fille blessée qui se vidait se son sang sur le trottoir et j'ai joué au bon Samaritain. Désormais, je n'ai plus de fiancée, plus de domicile, plus d'emploi, et je me promène à quelques dizaines de mètres sous les rues de Londres avec une espérance de vie comparable à celle d'un éphémère animé de pulsions suicidaires."

Voilà un extrait qui résume si parfaitement l'esprit et l'histoire de ce roman de Neil Gaiman que je pourrais me contenter de le citer sans en dire plus. Néanmoins je ne vais pas faire ma feignasse et tenter d'en dire un peu plus sur cet excellent roman au pays des sous-terrains londoniens, hantés par une bête fauve, qui tient à la fois du sanglier et de l'éléphant, habités par le peuple des égouts, et autres personnages ou créatures plus qu'étranges. C'est dans ce bizarre monde d'en -dessous que Richard, jeune écossais expatrié à Londres pour y faire sa vie, tente de rester en vie et d'aider celle qu'il a secouru un soir, sans savoir alors qu'il deviendrait totalement invisible pour les gens de son monde.

Ce qui frappe en premier lieu dans les écrits de Neil Gaiman -je l'avais déjà remarqué dans Stardust mais c'est encore plus flagrant dans Neverwhere - c'est ce paradoxe entre le merveilleux et une sorte d'horreur vraiment angoissante (en l'occurrence symbolisée par là par ces fameux Mr Croup et Mr Vandemar qui peuvent prêter à rire mais alors très jaune car ils se rendent coupables d'exactions qui sont plus terrorisantes que drôles) et entre l'esprit léger, plein d'humour de Gaiman (un humour à la Pratchett mais qui me parait encore plus fin) et le côté sérieux de l'histoire. Ce deuxième côté est bien réuni dans le personnage de Richard, qui tout jeune homme humble et raisonnable soit-il, a une certaine image cynique de lui-même.
 C'est un autre trait de convergence avec l'autre roman que j'ai pu lire de Gaiman :  c'est son héros, toujours un personnage un tantinet à côté de la plaque, l'anti-héros par excellence -Richard a la vertige et n'est pas particulièrement courageux mais pour autant il ne recule pas et fait beaucoup d'efforts - qui le rend humain et proche de nous. Cette aventure ne touche pas un être exceptionnel, il touche un monsieur tout-le-monde qui, s'il gagne des galons de héros sur la fin, le doit à sa seule maturité et sa force d'âme. Et il a quelque chose de vulnérable qui fait que l'on s'attache très vite à lui.

Le monde sous-terrain présenté là est horrifique à souhait : sale, puant, peuplé de rats, dégoûtant, des gens y survivent en mangeant des trucs peu ragoûtants, en s'habillant avec des superpositions de vêtements, en oubliant l'hygiène la plus élémentaire, et en dépit de cela, on y rencontre des gens nobles, charismatiques ...
(On ne peut  évidement pas éviter de penser aux SDF, ici transformés en peuple sous-terrain d'un monde parallèle au nôtre, mais hors société, sans domicile, sans papiers, tentant de survivre comme ils le peuvent.
Le Marquis de Carabas notamment, cet homme sans foi ni loi, a la classe d'un grand homme ; la jeune Porte, toute frêle et fragile soit-elle, manifeste un sacré courage et possède surtout un don très particulier : celui de pouvoir ouvrir n'importe quelle porte .... Les autres personnages que va rencontrer Richard ne manquent pas d'originalité non plus : Chasseur, cette femme qui a combattu le grand alligator de New York, l'ours de Verlin, le tigre noir de Calcutta et qui rêve de tuer la Bête de Londres , les Sept Soeurs, les Velours (femmes glacées qui tentent de voler la chaleur des humains en buvant leur vie ) .....

Sans oublier cet univers incroyable dans lequel les rats parlent et sont considérés comme des Dieux par le Peuple Parle-Rats, où un Marché flottant a lieu à des endroits aussi divers que variés (et qui propose aussi des choses aussi diverses que variées), où l'on franchit par des ascenseurs des hauteurs vertigineuses (tout ceux qui ont éprouvé un jour le vertige en restant accroché à une paroi rocheuse comprendront et surtout ressentiront parfaitement ce qu'a pu éprouver Richard à 4  pattes sur sa planche surplombant le vide) et où les stations de métro passent d'un monde à l'autre .... sans oublier l'obscurité qui prend son tribu de gens et le Smog qui s'infiltre partout.

En fin de compte, plus que l'histoire de la quête de Porte, à la recherche de qui a pu tuer sa famille et d'une clé, c'est ce monde parallèle qui est fascinant dans ce roman .... merveilleux mais à la fois écoeurant.

Un chouette roman qui se lit vraiment bien et qui nous fait osciller entre magie et horreur.
Ah et aussi j'ai retrouvé la fameuse bête sous-terraine de Londres, dont parlait Neil lors de sa conférence aux Utopiales !

Extrait
"- Je suis la dame Porte. Je suis la fille de Portico, de la Maison de l'Arche.
- Je suis Chasseur. Je suis son garde du corps.
- Richard Mayhew, fit Richard. Je suis trempé.
[...] -  De qui s'agit-il, frère Sable ?
- Dame Porte, fille de lord Portico, de la Maison de l'Arche ; Chasseur, sa garde du corps, et Richard Mayhew Trempé, leur compagnon, expliqua le frère Sable malgré sa lèvre endommagé."

Ailleurs
Vert ; AcrO ; Olya ...

23 commentaires:

  1. petit passage en diagonale (et en coup de vent), je suis contente qu'il t'aie plu :)

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  2. "Richard Mayhew, fit Richard. Je suis trempé."
    J'adore cette citation :D
    (et oui Gaiman a beaucoup d'humour, quand il s'y consacre complètement il arrive pas loin du niveau de Pratchett je pense ^^)

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    1. J'adore aussi cette citation, elle m'a fait bien rire.
      Je pense que je préfère son humour à celui de Pratchett car il ne base pas tous ses romans sur cette façon de penser.

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  3. Ah c'est vrai que le couple Croup et Vandemar, c'est quelque chose :D
    Un humour plus fin sans doute, mais avec moins de références dans le dedans, je trouve.
    En tout cas c'est vraiment un très bon livre, assez visuel avec une bonne intrigue et où on se demande par où la prochaine "surprise" va arriver.

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    1. C'est un couple horribleeeeeee.
      Oui c'est très visuel et très olfactif aussi, xd

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  4. Ce sera mon prochain Gaiman je pense... A moins que ses recueils de nouvelles passe avant !
    En tout cas, ce sera avec beaucoup de plaisir, j'en suis sûr !

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  5. Oups, "passent", bien sûr, le honte... :(

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  6. Enfin, LA honte je veux dire... Dur dur ce lundi... :D

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    1. Pas de soucis, le Lundi c'est dur pour tout le monde :)

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  7. Ce livre, je compte bien le relire un jour ou l'autre :) Découvrir ce Londres était vraiment très intéressant et j'ai bien envie de m'y replonger un jour ou l'autre.

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    1. C'est toujours sympa de relire des livres, on découvre ainsi d'autres choses et on les vit autrement :)

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  8. Tu poursuis avec bonheur ta découverte de Gaiman et c'est tant mieux :D Il est vraiment génial ce bouquin.

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  9. Ha ben voilà, c'est malin, maintenant j'ai vraiment envie de le lire. Déjà comme ça depuis American Gods... Pff mais quand je vais dormir moi?

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    1. Rhoo je vais être responsable de ton manque de sommeil, xd
      Bon au moins si j'ai donné envie de lire, c'est chouette :)

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  10. Comme olya j'ai bien envie de le relire un de ces jours. ta chronique m'y pousse beaucoup :)

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  11. Je l'ai lu y a un bon moment maintenant et je me rends compte que j'ai oublié pleiiin de personnages que ta chronique m'a remis en mémoire (à part Croup et Vandemar, je risquais pas de les oublier ces deux là...) Par contre, je me souviens parfaitement de l'ambiance et de l'univers qui étaient vraiment très chouettes.

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    1. Oui Croup et Vandemar ils fichent trop la trouille, on ne peut pas les oublier, xd
      Je suis d'acc avec toi pour l'ambiance et l'univers :)

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  12. Mon premier Gaiman (si on ne compte pas Bons Présages) et un souvenir marquant surtout pour cette ambiance si particulière. A relire en effet.

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