samedi 4 septembre 2010

Des fleurs pour Algernon de Daniel KEYES


Dans un laboratoire de psychologie, Algernon une souris bénéficie d'un traitement qui décuple de façon spectaculaire son intelligence .... Charlie, un handicapé mental, va alors être choisi pour servir de cobaye humain à cette expérience ... et voit ainsi ses capacités intellectuelles atteindre des sommets inespérés ... jusqu'au jour où l'incroyable intelligence d'Algernon va décliner ...

J'ai trouvé ce roman époustouflant et ce par plusieurs aspects :
- Déjà pour l'originalité de l'histoire et sa façon d'être rédigée sous la forme d'un journal dans lequel Charlie raconte ce qui lui arrive, ses sensations, son vécu, avec une structure grammaticale et une orthographe qui suivront ses progrès ... et ses régressions. Il fallait oser ce type d'écrit qui n'est pas forcément très facile à lire au premier abord de par les nombreuses fautes.
- Ensuite par le fait que l'auteur rédige à la première personne : j'ai toujours trouvé que ce type de livre avait un souffle différent des autres, qu'on entrait (lorsque c'est bien écrit bien entendu) bien plus profondément dans l'histoire et qu'on vivait plus intensément les évènements.
- Et enfin parce que le personnage principal Charlie est tellement attachant et vivant qu'on ressent ce qu'il vit voire même qu'on est à ce point impliqué dans l'histoire qu'on anticipe ses réactions

Le constat de "plus on est intelligent et plus l’on souffre car on se pose beaucoup plus de questions, sur sa vie, sur les autres" est très flagrant dans ce roman. Charlie n’avait d’autre souhait que devenir intelligent or quand son QI était à 70 il se sentait bien moins malheureux que lorsque son QI a fait ce bond prodigieux à 185.
Par là même, être intelligent ne signifie pas forcément avoir une intelligence sociale, Keyes fait un peu une généralité de l’intelligence en se référant au seul critère QI, néanmoins on sait qu’il existe plus types d’intelligences : l’intelligence pratique, l’intelligence sociale, l’intelligence culturelle …
Certains individus géniaux et très forts intellectuellement sont complètement démunis face à des papiers administratifs ou dans leur vie courante.
En gagnant en potentiel intellectuel, Charlie y a perdu un peu en intelligence sociale, son bouleversement est tel qu’il en oublie les valeurs morales qu’il tenait (sans s’en rendre compte) lorsqu’il se jugeait bête.

Voilà le genre de livre où on est tellement proche du personnage qu’on le sent intuitivement, que l’on peut anticiper ses réactions et en l’occurrence dans ce récit, ses réflexions, car il s’agit de la grande introspection d’un homme sur ce qui lui arrive.
Une introspection douloureuse car on sait, comme lui la durée relative de l’expérience qu’il vit.
J’avais constaté avant « lui » tout ce qu’il avait perdu en relations humaines, pris dans son formidable quotient intellectuel, qui le transformait en machine à pense, à raisonner … mais en même temps lui enlevait ses capacités à aimer et communiquer.
Et ayant noté déjà mon premier avis, avant d’en arriver au passage où il réalise que lorsqu’il était arriéré, il avait des tas d’amis et qu’intelligent, pas un.

Ce livre est à la fois une découverte pour moi et un vrai coup de coeur.

Extraits
L’intelligence est l’un des plus grands dons humains. Mais trop souvent, la recherche du savoir chasse la recherche de l’amour. C’est encore une chose que j’ai découverte pour moi-même récemment. Je vous l’offre sous forme d’hypothèse : l’intelligence sans la capacité de donner et de recevoir une affection mène à l’écroulement mental et moral, à la névrose et peut-être même à la psychose. Et je dis que l’esprit humain qui n’a d’autre fin qu’un intérêt et une absorption égoïste en lui-même, à l’exclusion de toute relation humaine, ne peut qu’aboutir à la violence et à la douleur.

Je crois que j’ai changé durant ces semaines loin du labo, dis-je. D’abord je n’arrivais pas à voir comment faire, mais cette nuit, en errant à travers la ville, cela m’est venu à l’esprit. La bêtise c’était d’essayer de résoudre le problème tout seul. Mais plus je m’emmêle dans la masse de mes rêves et de mes souvenirs, plus je m’aperçois que les problèmes émotionnels ne peuvent être résolus comme les problèmes intellectuels. […] Sans que je sache pourquoi, je m’étais détaché émotionnellement de tout, des êtres et des choses. Et ce que je cherchais réellement, la nuit, dans les rues sombres –le dernier endroit où j’aurais jamais pu le trouver -, c’était un moyen de me rapprocher de nouveau des gens, émotionnellement, de faire partie de la foule, tout en gardant mon indépendance intellectuelle.

Pour en savoir plus :
Des fleurs pour Algernon a obtenu le prix Nebula du meilleur roman en 1986.
Un téléfilm franco-suisse en a été tiré en 2006.
Plusieurs épisodes de la série Les Simpson font explicitement référence à ce roman, dans l'un d'eux Omer tient le rôle de Charlie, tandis que dans un autre Lisa tient un journal intime sur sa dégénérescence intellectuelle.

1 commentaire:

  1. welcome endea !

    en effet ce roman est vraiment une perle, gros coup de coeur pour moi aussi (je l'ai détaillé en lecture annexe sur le cercle d'Atuan)

    (je suis lael)

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